L’œil d’Innov’Alliance :
Crise du financement de l’innovation AgTech
L’AgTech européenne traverse une période de transformation profonde. Longtemps soutenue par les investissements en Corporate Venture Capitale, le plus souvent des fonds issus de grands groupes pour investir dans des startups, l’innovation agricole doit faire face à des réductions significatives des financements. Ce repli marque un changement d’approche des grandes entreprises, qui privilégient désormais les acquisitions ciblées et les investissements stratégiques à court terme plutôt que le soutien aux jeunes entreprises en phase de développement.
Le secteur de l’AgTech connait une contraction progressive des investissements en capital-risque. D’après Leaps by Bayer, l’unité d’investissement à impact de Bayer AG, les financements en AgTech ont chuté de 30 à 40 % par an depuis 2018. Lors du SIA, KPMG a dévoilé une étude réalisée avec la Ferme Digitale sur les levées de fonds en AgTech et en Foodtech en 2024.
En France, les investissements se sont effondrés passant de 494 millions d’euros en 2023 à 315 en 2024. 70 % des investissements se sont concentrés sur des levées entre 10 et 50 millions d’euros. Cependant, ces investissements se sont faits au détriment des start-ups de moins de 5 ans (-53 %).
Les biosolutions représentent une forte progression des investissements avec une augmentation des levés de fonds de 268 % par rapport à 2023 pour atteindre 94 millions d’euros. Les spécificités de l’AgTech (cycles de développement longs, forte dépendance aux saisons agricoles, complexité des canaux de distribution) dissuadent les investisseurs de nombreux fonds non spécialisés.
Si l’investissement global en AgTech connait un ralentissement global, certaines startups continuent de lever des montants significatifs, prouvant que le marché conserve un attrait pour les fonds de capital-risque. Parmi les grosses levées de fonds en 2024 : 80 Acres Farm, spécialisée dans l’agriculture d’intérieur, qui a levé 115 millions de dollars en février 2024 ; Inari, qui développe des semences génétiquement modifiées, a bouclé un tour de table de 144 millions de dollars en janvier 2025 ; Carbon Robotics, fabricants de désherbants automatisés, a obtenu 70 millions de dollars en octobres 2024. En France, les principales levées de fonds ont été réalisées par Microrep, qui développe des biostimulants et des bioherbicides et qui a levé 27 millions d’euros en juillet 2024, et un de ses concurrents Elicit Plant, qui, elle a levé 45 millions d’euros. XFarm, spécialisé dans l’agriculture régénératrice au moyen de l’IA, a levé 36 millions d’euros en octobre 2024. Les entreprises capables de démontrer un modèle économique clair et scalable parviennent à attirer des investisseurs.
Face au retrait des corporate ventures, les startups AgTech doivent trouver d’autres sources de financement. Les entreprises de capital-risque (Astanor Venture, Capagro, Anterra Capital, etc.) constituent une alternative viable. Plusieurs entreprises ont bénéficié de leur soutien : Agronutric, Biome Makers, etc. Si les innovations technologiques ambitionnent de réconcilier productivité et empreinte environnementale, leur impact sur la rentabilité des exploitations demeure incertain, freinant l’adoption par les agriculteurs. De plus, des cycles de vente longs, la complexité de la mise sur le marché et la forte concentration des canaux de distribution entre les mains de coopératives et de négociants sont autant de freins pour les investisseurs en capital-risque.